I remember (Joe Brainard) // Je me souviens (Georges Pérec) // Gogoan dut (Aritz Galarraga)

so 1467378181235 SO | 2021-04-23 08:44

Bibliographie

 

Joe Brainard, I remember, 1970.

Georges Pérec, Je me souviens, Hachette, 1978.

Aritz Galarraga, Gogoan dut, Pamiela, 2022.

 

Joe Brainard

Joe Brainard, né le à Salem et mort le à New York, est un artiste et écrivain américain du XXe siècle, associé à l'École de New York. I remember (Je me souviens) est une autobiographie de Joe Brainard (1941-1994). Autobiographie éclatée d'un artiste gay sous forme de souvenirs disparates, ce travail d'écriture reflète également des aspects de la vie quotidienne aux États-Unis dans les années 1950. Tous ces fragments commencent par I remember, leitmotiv qui inspirera la série des Je me souviens de Georges Perec. C'est en 1970 que Joe Brainard publia ses premiers I Remember en 1970, puis I Remember More en 1972, et More I Remember More en 1973. En 1975 paraissait un volume des I Remember révisés et reclassés. Joe Brainard, I remember (Je me souviens), Actes Sud, Collection Babel, 2002, traduit de l'américain et préfacé par Marie Chaix.

+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Les restes de Joe Brainard. Joe Brainard, I Remember (Je me souviens), Arles, Actes Sud, 1997, 227 pages. André Goulet. Volume 41, numéro 3 (243), juin 1999. URI : https://id.erudit.org/iderudit/32163ac

Le jour précédant sa mort, un homme (appelons-le Joe) se poste devant la glace, comme de coutume, un vieux rasoir Schick à la main. Ce rasoir lui appartient, ce rasoir est le sien. Mais demain, quand la mort aura frappé, à qui appartiendra l'instrument ? Pourra-t-on encore dire : Ce rasoir est le rasoir de Joe ? Certes, on pourrait être tenté de le dire, et sans doute le dira-t-on du bout des lèvres; mais aussitôt énoncée, l'affirmation se montrera telle qu'elle est, absurde et imbécile. Pourtant, du moins si on s'en remet aux seules apparences, à la seule concrétude, Joe est toujours là, au même titre que le rasoir, la chaise sur laquelle il s'asseyait hier encore ou la chevalière qui lui ceint le majeur de la main gauche. Je puis toucher à Joe comme je puis toucher à tout ce qui constituait son bien jusque-là. Or ce bien n'est plus la propriété de Joe, pour la simple et bonne raison que Joe n'est plus. Métamorphosé, dirait-on, en un douloureux héritage, en restes inutiles, putrescibles, qui rendent sa mort plus horrible encore, quasi insupportable. En effet, quoi de plus encombrant, de plus gênant qu'une dépouille ou le rasoir d'un défunt ? de plus embarrassant que les sous-vêtements, les manuscrits, les sculptures, le tube de rouge, la voiture, le bas filé, le cahier d'esquisses, les factures ou les rognures d'ongle d'un macchabée ? Si la mort se voulait juste ou équitable, et pas seulement putasse ; si elle n'était qu'une limite temporelle, et pas seulement une cochonneuse hypocrite ; elle accomplirait mieux son travail. Au lieu de s'en prendre uniquement à la vie, elle subtiliserait l'inutile de l'être en même temps que l'être lui-même. Seulement voilà, le hic dans cette affaire trop humaine, c'est que la mort, peu soucieuse de ceux et celles qui survivent au trépassé, ne s'en prend qu'au mouvement de l'être. En d'autres termes, elle s'amuse à verser sur le dos des survivants le lot considérable de choses inertes qui perdent leur sens et leur utilité avec la disparition de leur possesseur — lui-même entré dans la catégorie des choses. La faucheuse n'a de lame et de tranchant que pour la grâce et le mouvement. Si l'inutile est le legs du survivant, on est en droit de s'attendre à trouver, de l'autre côté, du côté de ce qui meurt, les joyaux qui donnent à l'homme et à la vie une valeur inestimable. Est-ce l'attrait de ce trésor qui a conduit Joe Brainard à coucher sur papier la multitude de résidus destinés, un jour ou l'autre, à périr avec lui et en lui ? Mille quatre cent quatre-vingt-dix-sept fois, Joe Brainard se souvient. Au hasard : Je me souviens du danger des cheveux d'ange, (p. 122) Je me souviens d'avoir essayé d'économiser de l'argent pendant un jour ou deux et d'en avoir vite perdu l'envie, (p. 157) Je me souviens, une fois, d'avoir examiné de très près l'ouverture au bout de ma quéquette et à quel point ça me rappelait la bouche d'un poisson rouge, (p.169) Ainsi les riens s'accumulent, sans raison apparente et dans un ordre tout à fait aléatoire. Comme si l'auteur, incapable de choisir, collectionnait les débuts au récit de sa vie. En résulte une pure incantation aux vertus musicales, subliminales.

Porté par un courage et une lucidité exemplaires, Brainard retient, dirait-on, tout ce vers quoi Proust s'est laissé entraîner. Mille quatre cent quatre-vingt-dix-sept fois, il trempe sa madeleine dans une tasse de thé et l'en ressort pour noter laconiquement ce qui lui revient à la mémoire. Aucune largesse chez Brainard, qui préfère la tache et le point au trait libre. Une mosaïque de pacotilles, sa vie, nos vies. Comment ! se révulse le lecteur.

Mon existence tient-elle en si peu de choses et de mots ? Et pendant qu'on se lamente sur son propre sort, Brainard,
lui, se bidonne : Je me souviens du temps infini que peut durer un tube de dentifrice qui a l'air vide. (p. 206) Je me souviens d'avoir mangé de la morve. Ce n'était pas mauvais. (p. 76) Le rien qui préside à la vie, l'auteur le montre autant de fois qu'il se manifeste à lui. Au bout du compte, on se retrouve devant un vide construit pièce par pièce, par une sorte d'accumulation négative. On bute contre un néant palpable, respirable. La présence tranquille d'une araignée au coin d'une fenêtre. Un souffle, une couleur, une haleine d'alcool. De quoi est fait l'homme ? Réponse : d'une matière qui se défait. Brainard le savait, pour qui en dire plus sur si peu eût été, on le devine, beaucoup trop de temps perdu.

+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Critique
 
Je me souviens de Joe Brainard Eric Loret, Libération, 26 juin 1997.
 
C'est «I Remember», de l'Américain Joe Brainard (1941-1994), qui inspira «Je me souviens», de Georges Perec. Sa traduction ressuscite la figure d'un peintre et écrivain dont l'invention a fait école. Le titre, la forme et, dans une certaine mesure, l'esprit de ces textes s'inspirent de I Remember de Joe Brainard.» C'est en creux, à la faveur de cette phrase ouvrant Je me souviens de Georges Perec, que depuis 1978 nous connaissions l'existence inédite de Joe Brainard. Mais c'est seulement maintenant que nous découvrons en français le mystérieux texte qu'un peintre américain, un beau jour de sa vingt-sixième année, eut l'idée, qui depuis a tant fait fortune, d'écrire en commençant tous ses paragraphes par «Je me souviens». Comme il ne pouvait plus s'arrêter, il donna à partir de 1970 I Remember, puis I Remember More, More I Remember More et I Remember Christmas (édité par le MoMA), avant de reclasser l'ensemble en 1975, sous l'impulsion de son ami d'enfance Ron Padgett. C'est cette édition définitive que publie Actes Sud. Ron et Joe, qui se sont connus à Tulsa, dans l'Oklahoma, n'ont que 16 ans quand ils fondent une petite revue artistique et littéraire. Puis, raconte Padgett, «après le lycée, Joe s'est inscrit dans une école d'art dans l'Ohio, mais il n'y est pas resté, car c'était trop conservateur. Il s'est installé à New York. Il est devenu artiste, écrivain, il a collaboré avec des poètes comme John Ashbery et créé des milliers de collages». Les vingt dernières années de sa vie le voient cesser toute activité créatrice, «par perfectionnisme, sans doute. Ses oeuvres ne le satisfaisaient plus. En revanche, il lisait beaucoup. De temps en temps, il faisait encore des dessins pour les couvertures des livres de ses amis».
 
Ce silence final, on le pressent dans certaines photographies du peintre jeune. On y retrouve la blankness, la «blancheur» que d'aucuns reprochèrent à son écriture: regard vide cerclé de montures noires, avec cet air empaillé de celui qui a vécu un raz de marée émotionnel et dont les rides ont été comblées, comme celles de Warhol, à coups de collagène affectif. C'est encore Ron Padgett qui (déjà dans l'édition américaine de I Remember) précise que si la répétition warholienne, transposée à l'écriture, «s'est révélée devenir un tremplin pour Joe», contrairement au pape du pop, il n'a pas voulu «se cacher derrière l'oeuvre». «Un des projets de I Remember, c'était de s'exposer, d'être aussi honnête et franc que l'écriture le permettrait. Joe n'était pas froid comme Andy, mais charmeur, généreux, chaleureux, présent. Aimable, en un mot.» Pourtant, à lire Brainard, on ressent à quel point se souvenir, c'est en même temps se rappeler l'oubli" et combien ce réveil à la conscience (aussi profondément impossible qu'il est de fois renouvelé) est douloureux. Car la révélation à soi se fait à chaque fois sur le mode de la perte: «Je me souviens de m'être regardé dans une glace et d'y avoir vu un étranger.» La «blancheur» incriminée mérite quelque commentaire, parce que le blank, c'est certes l'écriture blanche, mais aussi le vide où l'on n'a pas signé, où l'on ne s'est pas identifié, c'est le désarroi de l'omission ­ c'est porter en soi sa propre disparition.
 

Contrairement à l'ouvrage de Perec, les «I remember» ne sont pas numérotés. Et si Joe Brainard utilise mille quatre cent quatre-vingt-dix-sept fois la formule, ce n'est pas pourtant le genre de livre que l'on peut ouvrir n'importe où pour trouver cette phrase: «Je me souviens des flocons de boeuf en sauce sur des toasts», ou cette anecdote: «Je me souviens quand j'ai été appelé au contingent et dus me rendre au conseil de révision tout en bas de la ville. J'avais eu un oeuf pour le petit déjeuner et le sentais peser dans mon estomac. Après l'appel un homme me regarda et m'ordonna de rejoindre une autre file où se trouvaient déjà la plupart des garçons (j'avais les cheveux très longs, ce qui était beaucoup moins courant que maintenant). Ma file était celle qui menait au médecin chef. (J'allais en tout cas demander à le voir.) Il me demanda si j'étais pédé et je dis oui. Alors il me demanda quelles expériences homosexuelles j'avais eues et je dis "aucune. (C'était la vérité.) Et il me crut. Je n'eus même pas à me déshabiller.» Il vaut mieux pénétrer avec ordre dans cette mémoire tectonique dont les pans plissent et se disloquent, naissent et se reflètent en négatif, passant de la «peau non pigmentée» des albinos aux «taches brunes sur des pétales de gardénias», ou bien découvrant à ce «Je me souviens d'avoir eu peur que le coiffeur dérape et me coupe l'oreille» un soudain double-fond: «Je me souviens d'une fois où cela arriva.»

Ron Padgett a travaillé avec Brainard sur la réorganisation des «I remember» en 1975: «Dans l'ensemble, il a respecté l'ordre des séquences originales, avec quelques déplacements thématiques. Mais il a fait beaucoup de corrections, il était très dur avec lui-même. J'ai dû l'arrêter, sinon il aurait tout supprimé et tout refait!» Dans ces archipels mnémoniques, on peut distinguer au moins trois sortes de «Je me souviens». Les premiers, plus intimes, s'intitulent volontiers «fantasmes» ou se présentent comme tels («Je me souviens d'un rêve sexuel peu plaisant avec Whippoorwill, le chien de Kenward Elmslie») et Brainard en joue ironiquement: «Je me souviens (voilà qui va décevoir) du fantasme d'ouvrir une boutique d'antiquités.» Mais, plus souvent, le jeune homme semble s'amuser à écrire l'autobiographie de tout le monde. C'est la seconde sorte: «Je me souviens comme la quéquette est petite quand on retire son maillot mouillé», ou encore cette formidable expérience secrètement vécue par tous: «Je me souviens d'avoir rempli les bacs à glaçons à ras bord et essayé de les remettre dans le réfrigérateur sans renverser une goutte.» Enfin, on trouve quelques souvenirs de génération, la «certaine mesure» que Perec a conservée, mais centrés sur des icônes pop: Marilyn, James Dean, Kennedy, etc.

Au bout du compte, on se demande si, à glisser insensiblement du privé au public, le projet initial de Brainard ne fut pas, à force d'exposition, de dépliage et de publication, d'oublier l'intime. Cette mélancolie, cette volonté d'effacement, on les retrouve dans les vingt ans de silence qui précèdent sa mort, due au sida, en 1994, à l'âge de 53 ans. «En arrêtant de publier et d'exposer, il voulait étouffer sa renommée»: Ron Padgett n'a eu de cesse de réparer cet oubli, organisant des expositions, préparant un film à partir de I Remember et, chez Penguin Books, peut-être, une édition des Selected Writings (poèmes, nouvelles, textes déjà parus du vivant de Brainard) et d'oeuvres inédites ou disséminées chez de petits éditeurs, par les soins de leur auteur, à travers toute l'Amérique.

+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Je me souviens est un livre de Georges Perec publié en 1978 aux éditions Hachette. C'est un recueil de bribes de souvenirs rassemblés entre et , échelonnés pour la plupart « entre ma 10e et ma 25e année, c'est-à-dire entre 1946 et 1961 », précise l'auteur. Quelques-uns ont été publiés dans Les Cahiers du Chemin no 26 en .

L'ouvrage appartient au genre du fragment. Les souvenirs égrenés dans le livre de Perec commencent tous sauf un[1] par Je me souviens et sont numérotés, de 1 (« Je me souviens que Reda Caire est passé en attraction au cinéma de la porte de Saint-Cloud ») jusqu'à 480 (« Je me souviens… » et au-dessous « (à suivre…) »). Courts, de quelques mots à quelques lignes, ces fragments mêlent tous les thèmes, cinéma, objets quotidiens, actualités, souvenirs de famille, d'école, littérature…

Selon la présentation que fait Perec de cet exercice de mémoire, ces je me souviens sont :

« des petits morceaux de quotidien, des choses que, telle ou telle année, tous les gens d'un même âge ont vues, ont vécues, ont partagées, et qui ensuite ont disparu, ont été oubliées ; elles ne valaient pas la peine de faire partie de l'Histoire, ni de figurer dans les Mémoires des hommes d'État, des alpinistes et des monstres sacrés.

Il arrive cependant qu'elles reviennent, quelques années plus tard, intactes et minuscules, par hasard ou parce qu'on les a cherchées, un soir, entre amis ; c'était une chose qu'on avait apprise à l'école, un champion, un chanteur ou une starlette qui perçait, un air qui était sur toutes les lèvres, un hold-up ou une catastrophe qui faisait la une des quotidiens, un best-seller, un scandale, un slogan, une habitude, une expression, un vêtement ou une manière de le porter, un geste, ou quelque chose d'encore plus mince, d'inessentiel, de tout à fait banal, miraculeusement arraché à son insignifiance, retrouvé pour un instant, suscitant pendant quelques secondes une impalpable petite nostalgie. »

Thèmes abordés

Parmi les 480 souvenirs du livre, beaucoup portent sur Paris et ses lieux changés ou disparus, et particulièrement le métro. On trouve aussi des évocations de marques comerciales et slogans publicitaires. Le cinéma, les chanteurs et plus largement les spectacles sont également un thème récurrent.

Adaptations

Une adaptation théâtrale de Je me souviens a été mise en scène et jouée par Sami Frey en 1989, puis en 2003. Le comédien pédalait à vélo sur la scène durant toute la pièce. Une captation sonore fut faite de cette représentation au théâtre Mogador en 1989 pour La Bibliothèque des voix[2].Pour les « générations oublieuses », Roland Brasseur a publié, au Castor astral, dans la collection L'inutile dirigée par l'Oulipien Hervé Le Tellier, le livre Je me souviens encore mieux de Je me souviens, qui explique aux plus jeunes qui fut Reda Caire ou ce que fut un wakouwa.

+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Memoria txarrari esker gogoan jasoak

Aritz Galarragak 'Gogoan dut' liburua aurkeztu du Pamielarekin. Joe Brainarden 'I Remember' liburuko egituraren kadentziarekin idatzi du
Aritz Galarragaren liburuaren azalak Lucian Freud margolariak egindako erretratu bat ageri du.
Aritz Galarragaren liburuaren azalak Lucian Freud margolariak egindako erretratu bat ageri du. GORKA RUBIO / FOKU
2021eko apirilak 22
 

«Gogoan dut memoria txarra izan dudala beti». Esaldi horrekin abiatzen da Aritz Galarragaren (Hondarribia, Gipuzkoa, 1980) Gogoan dut liburua, Pamiela argitaletxeak plazaratu berria. Paragrafo laburren bitartez harilkatzen da testu osoa 144 orrialdetan, eta paragrafo guztiak hasten dira berdin: gogoan dut... «Memoria da liburuaren abiapuntua eta ardatza», azaldu du Jose Angel Irigarai editoreak; «biografia moduko bat da funtsean, baina irakurri ahala konturatzen zara mundu bat zabaltzen ari dela». Garai baten eta belaunaldi baten argazkia egin du idazleak. «Biluzte zintzo bat izan da oroitzapenen kontaketa hau. Galarraga biluzi egin da, eta, horrela, jantzi egin gaitu gu».

Michel de Montaigneren aipu batek iragartzen du atarian: «Oroimen naturalik ezean, paperezko bat egin dut». Galarragari artikuluak, liburuen kritikak, kazeta lanak eta liburu apailatzeak ezagutu izan zaizkio; baita itzulpen doiak ere, esate baterako, Joan Vinyoli, Salvador Espriu eta Gabriel Ferrater poeta kataluniarrenak. Orain, oroitzapenetatik tiraka, kontakizun luze eta berezi bati forma eman dio. «Ariketa pribatu gisa hasi nintzen oroitzapen batzuk idazten eta biltzen, gutxi-asko burura etortzen zitzaizkidan bezala, artikuluetan eta bestelako lanetan baliatzeko modukoak». Arin konturatu zen, ordea, liburu tankera har zezaketela.

«Ni-aren literaturaren barruan koka liteke Gogoan dut. Ez du autofikziotik ezer, erabat autobiografikoa da». Oroitzapenek beti asmatutik zerbait badutela iruditzen zaio, «baina liburuak errespetatzen du irakurlearekin egingo den ituna, egia kontatzea».

Lanketa literario bat egiten saiatu bezain laster ohartu da hiru kontu hauez: «Oroitzapen guztiek ez dute balio literaturan; idazten lehendabizikoak bagina bezala ezin liteke idatzi; eta oroitzapen baten bila joan eta bestelako batekin etor zaitezke bueltan».

Kontakizunaren haria ez da kronologikoa, ezta tematikoa ere. Oroitzapenen bila ibiltzeak hori dakar: ez topatzea agian, edo oroitzapen batek beste bat ekartzea, eta sarritan desbideratzea.

Joe Brainarden gisara

Liburuaren egitura kopiatu egin du Galarragak. «Horretan ere ez naiz originala izan. Nolanahi dela, zer esango genioke soneto bat egiten diharduenari, edo zortziko txiki bat, kopiatzen ari dela akaso?».

Brainard artista eta idazle estatubatuarrak I Remember argitaratu zuen 1970ean. «Maisulan bat da», esan zuen Paul Austerrek; «banan-banan, gure garaiko liburu garrantzitsu guztiak ahaztuak izango dira, baina Joe Brainarden harribitxi honek iraunen du». Esaldi laburrez osatu zituen paragrafoak, eta poemek izaten duten kadentziarekin errepikatzen zuen beti berdin hastapenetan, 'I remember...'; otoitz baten edo mantra baten forma hartzen du. Kolpe txikiak dira, eta kolpe bakoitzean oroitzapen bat.

Liburu gogoangarri haren omenez, Georges Perec frantsesak Je me souviens idatzi zuen 1978an. Eta urte asko geroago, euskal literaturan ere eduki du isla, Joseba Sarrionandiak Akordatzen plazaratu baitzuen 2004an.

Galarragak gomutan du idazlea, eta honela jaso du liburuan: «Gogoan dut Joseba Sarrionandiak idatzi zuena, momentu batera arte etorkizunean bizi garela; momentu horretatik aurrera, derrepentean, igual konturatu gabe, iraganean hasten garela bizitzen».

Arlo pribatutik hasi eta arlo publikora eta profesionalera igaro, «nire mamuak kontatu ditut, baina dagoeneko ez didate ez minik, ez ikararik ematen». Aurrena, familiaz eta hartan sortzen diren gatazkez dihardu; bestalde, Euskal Herrian ezin egokituaz eta erbestetik idazteaz; eta azkenik, literaturaren arloko kontuez. Idazle batzuekin izandako harremanez akordatzen da Galarraga. Ramon Saizarbitoria («gogoan dut nola esan zidan behin, batzuetan zozoak dirudigula»), Koldo Izagirre («gogoan dut liburu bat erosi eta utzi zuela nire izenean, La Centralen»), Itxaro Borda («gogoan ditut Baionatik bidali dizkidan liburuak»), Anjel Lertxundi, Bernardo Atxaga, Mari Luz Esteban, Patxi Larrion, Harkaitz Cano, Beñat Sarasola, Gorka Bereziartua, Jonathan Littell, Rafael, Chirbes, Miguel Sanchez-Ostiz, Dubravka Ugresic, eta gehiago. «Jende asko aipatu dut. Ez dakit inoiz barkatuko didaten liburuan agertu izana».

Galarragak ezagutu duen mundu baten galera irudikatzen dute Gogoan dut honetako orriek. «Gaur egungoa beste era batekoa da, mundu digitala gailendu da, Interneten seme-alabak datoz. Denbora gutxian gertatu den mundu baten galera horri pandemiak emango dio azken kolpea». Gaur egun 30-50 urteren bueltan dagoen jendearen mundua eta garaia islatzen dituzte oroitzapen horiek, belaunaldi baten manerak eta sentipenak.