Alain Robbe-Grillet / Nathalie Saraute / Engagement

so 1467378181235 SO | 2020-10-31 11:06

"Le seul engagement possible, pour l'écrivain, c'est la littérature".

Alain Robbe-Grillet

Le nouveau roman a été conçu par certains de ses tenants et interprété par ses critiques, comme littérature volontairement désengagée, dégagée. Toute intervention dans les problèmes politiques du jour, toute efficacité sociale immédiate lui sont réellement étrangères : il refuse, par conséquent, systématiquement la signification que prend l'engagement dans la série sociologique.

Que l'auteur s'engage tout entier dans son oeuvre et qu'il prenne en tant que citoyen la position sociale qu'il veut, la littérature n'a pas pour autant, dans l'un ou l'autre cas, à s'assujettir aux prescriptions de la morale, de la politique, de l'idéologie...

Son oeuvre Pour un nouveau roman contient un réquisitoire sévère contre l'engagement politique, en rétablissant pleinement le sens créatif du mot. Que reste-t-il de l'engagement ? se demande Robbe-Grillet :

« Sartre qui avait vu le danger de (la) littérature moralisatrice, avait prêché pour une littérature morale, qui prétendait simplement éveiller des consciences politiques en posant les problèmes de notre société, mais qui aurait échappé à l'esprit de propagande en rétablissant le lecteur dans sa liberté. L'expérience a montré que c'était encore une utopie... Redonnons donc à la notion de l'engagement le seul sens qu'elle peut avoir pour nous. Au lieu d'être de nature politique, l'engagement c'est, pour l'écrivain, la pleine conscience des problèmes actuels de son propre langage, la conviction de leur extrême importance, la volonté de les résoudre de l'intérieur » (35).

Nathalie Saraute n'hésite point à prononcer le jugement suivant, dissociant bien les exigences internes de l'oeuvre des contraintes qui lui sont imposées de l'extérieur :


« Aucune pression, aucune considération si noble soient-elles ne peut contraindre l'écrivain à écrire des oeuvres engagées. L'art s'enchevêtre poursuit-elle en citant Cézanne aux racines de l'être, à la source impalpable du sentiment ».

Numéro spécial d'Esprit, 1964.